Marco Schank au sujet de sa vision de l'habitat de demain

Lëtzebuerger Gemengen: A l'occasion de la Semaine nationale du logement 2010, vous vous obligez "à satisfaire les besoins de la population en matière de logement, surtout ceux des ménages à revenu modeste, tout en attachant une attention particulière à la réalisation d'un habitat plus humain et plus accueillant". Qu'entendez-vous par là?

Marco Schank: Le point le plus important est de mettre des terrains et des logements à la disposition des citoyens. Le Luxembourg est - après Chypre, le pays de l'Union européenne qui présente la plus forte croissance démographique. Entre 1990 et aujourd'hui, nous avons enregistré une augmentation de la population de 32,8%, augmentation qui s'élevait à 2% l'année dernière, ce qui représente entre 8.000 et 9.000 personnes. Il y a donc nécessairement un manque de logements. Nous devons non seulement remédier à ce phénomène, mais le faire en proposant des logements à prix abordables.

C'est ce que vise le pacte de logement, qui a été mis en place avec les communes pour développer l'offre de logements tout en contrôlant la flambée des prix de l'immobilier. J'ai toujours été partisan de considérer les communes comme des partenaires privilégiées car ce sont elles qui ont la possibilité de créer du logement, particulièrement dans cette période où elles sont en train de modifier leurs PAG. 101 communes ont déjà signé cette convention, d'autres sont en discussion avec le ministère. Ces 101 communes se sont ainsi engagées à augmenter leur population de 15% en 10 ans, ce qui correspond au total à la création de 47.475 logements, soit 1 .300 projets, dont 416 sont déjà en cours. Le pacte de logement n'est pas le seul instrument que les communes ont à leur disposition pour agir de manière offensive en matière d'immobilier. Elles disposent, par exemple, d'un droit de préemption ou de la possibilité d'instaurer une taxe contre la spéculation, mais elles sont encore peu nombreuses à avoir fait usage de ces moyens.

Lëtzebuerger Gemengen: Des réunions régionales ont été organisées en mai et juin dernier pour informer les communes des aides étatiques dont elles peuvent bénéficier et leur présenter quelques projets emblématiques. Qu'en est-il ressorti?

Marco Schank: Lors de mon pèlerinage -comme je l'appelle-, j'ai rencontré 92 collèges échevinaux, des secrétaires communaux et services techniques. J'ai bien sûr fait la promotion du pacte de logement, mais aussi celle du logement subventionné. Là encore, les communes sont des charnières au niveau politique. Dans ce cadre, elles sont considérées comme des promoteurs publics au même titre que le Fonds du Logement ou la Société nationale des habitations à bon marché. Comme je l'ai indiqué lors de la présentation du 9e programme pluriannuel de construction d'ensembles de logements subventionnés, les promoteurs publics construiront quelque 8.500 unités de logement dans les années à venir, avec une aide étatique totale de 491 millions euros. Mes services ont calculé l'impact que ces projets auront sur l'économie, car il faut savoir que les promoteurs publics coopèrent surtout avec des entreprises indigènes: nous en sommes arrivés à un bénéfice de 2 milliards d'euros pour le secteur de la construction.

Lëtzebuerger Gemengen: A quoi ressemblera l'habitat de demain selon vous? L'avenir se trouve-t-il dans des sites comme celui de Belval qui combinent, sur le même site, mixité sociale et mixité des fonctions (services, commerce, travail et logement) ou sera-t-il purement axé sur la performance énergétique des bâtiments, avec des exemples comme Solarwind?

Marco Schank: Dans l'accord gouvernemental du 29 juillet 2009, il est spécifié que le gouvernement doit veiller à réaliser des quartiers durables dans le cadre d'une urbanisation écologique intégrée. Le logement durable repose sur trois piliers qui sont l'écologie, l'économie et le social.

Pour un bâtiment, être conçu de manière écologique n'est pas seulement synonyme d'efficience énergétique, mais aussi de préservation de ressources comme l'eau et de prise en considération de la santé des usagers. Ainsi, il est très important d'avoir un climat sain à l'intérieur des bâtiments, ce qui passe entre autres par l'utilisation de matériaux écologiques de qualité.

Le concept de mobilité fait également partie d'un logement écologique. L'aspect économique se traduit par un développement qui respecte la rentabilité et l'offre de logements à prix abordables.

Enfin, la cohésion et la mixité sociales ainsi que l'intégration des fonctions urbaines telles que les loisirs, le sport ou l'éducation sont inhérents à un tel projet.

Lëtzebuerger Gemengen: Le fait que les prix soient plus attrayants dans les pays voisins ne risque-t-il pas d'engendrer un "exode"? Quels sont les atouts du logement luxembourgeois face à ce phénomène?

Marco Schank: Nous avons mené une étude au sujet des ressortissants du Grand-Duché qui décident de vivre de l'autre côté de la frontière. Il en est ressorti que 28% des migrants sont des Luxembourgeois. Dans la plupart des cas, cette démarche résulte de mariages ou de partenariats entre Luxembourgeois et Français, Allemands ou Belges. En 2008, ce sont 1.600 personnes qui ont traversé la frontière, ce qui est à mettre en balance avec les 8.000 ou 9.000 personnes qui se sont installées au Luxembourg durant la même année.

Toutefois, il y a lieu d'informer les citoyens des problèmes qu'ils peuvent rencontrer s'ils quittent le Grand-Duché, pour n'en citer que quelques-uns: le changement de système scolaire pour leurs enfants, les difficultés de circulation pour se rendre au travail, les problèmes liés aux droits de succession ou les régimes d'aide au chômage, qui sont beaucoup moins favorables dans les pays voisins en cas de perte d'emploi.

Lëtzebuerger Gemengen: Une étude menée par le CRTE sur l'empreinte écologique du Luxembourg a révélé que nous avons besoin de l'équivalent de six planètes pour satisfaire nos besoins. Quels sont vos commentaires sur ce chiffre? Des mesures, en matière de logement, découleront-elles de ce résultat?

Marco Schank:La situation du Luxembourg est assez spécifique, car l'exportation de carburant et le passage journalier de quelque 140.000 travailleurs frontaliers ont une influence indéniable. Si l'on retire ces deux données, il reste entre trois et quatre planètes, ce qui est encore trop. Une des explications est la suivante: les traitements et les salaires étant élevés au Grand-Duché, nous avons en moyenne des voitures avec une motorisation plus puissante et des logements plus grands que ceux de nos voisins. Il faut donc repenser nos modèles de logement d'antan. La maison unifamiliale, isolée, avec un vaste jardin tout autour, est un standard obsolète qui sera l'exception dans le futur. Il faudra désormais construire de façon plus compacte des appartements, des maisons jumelées ou en bandes, ce qui sera d'autant plus nécessaire que la population ne cesse de croître dans notre petit pays. Dans le 9° Plan pluriannuel de construction d'ensembles de logements subventionnés, j'ai annoncé que les 8.500 unités de logement dont je vous parlais précédemment devront être construites avec une classe énergétique B. Je suis en train de revoir le règlement grandducal sur l'efficience énergétique et j'envisage la prescription d'un certain pourcentage d'énergies renouvelables lors de la construction de nouveaux bâtiments.

Enfin, je travaille à l'élaboration d'une certification du logement durable qui va au-delà de l'efficacité énergétique pour prendre en considération également l'aspect biologique, le climat intérieur, la mobilité, les matériaux. Ce label sera accompagné de subventions étatiques. Je souhaite ainsi faire évoluer et élargir l'idée de "logement durable".

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